La colline empourprée

-Mais c'est ma pomme que tu croques là, dis-moi.

 Ryan s'était figée, soudain, la pomme à la main. Le jus sucré coulait sur sa joue, mais il n'osa pas l'essuyer, pétrifiée. Lentement, elle se retourna pour tomber nez à nez avec une jeune fille. Enfin, cadavre serait peut-être plus appropriés. Sa peau était d'une pâleur extrême, comme une grande poupée de porcelaine. Elle semblait habillée normalement, un simple t-shirt gris et un jean. Pourtant, quelques détails sur cette inconnue marqua le garçon. Ryan était assez observateur, et appréciait détaillé dans son esprit les rencontres qu'il faisait aux détours de ses promenades nocturnes. Cette jeune fille portait à la taille une épaisse ceinture en cuir, dotée d'une grande boucle dorée et brillante. La ceinture retenait tout un tas d'objets sur cette jeune fille. De loin, il pouvait distinguer un miroir, quelques cosmétiques, une chaîne, et une étrange pochette en cuir. Mais la raison de la paralysie du garçon était tout autre. Le t-shirt de la jeune fille était tâché, et une odeur inconnue émanait d'elle. A sa main, elle tenait un couteau. 

Cette odeur, c'était bien celle de la mort.

La journée avait pourtant bien commencée pour Ryan. Après les cours, il était parti faire quelques courses en ville avec des amis. Ensembles, ils s'étaient amusés au karaoké, à lire des mangas dans les rayons de la librairie, puis s'étaient quittés en se donnant rendez-vous pour le lendemain. Ainsi, ils pourraient s'amuser entre eux, de jours en jours, profitant de l'instant présent.
Le jeune homme, avant de rentrer chez lui, profita du temps radieux, et du crépuscule approchant, en allant faire un tour sur une colline où il jouait dans son enfance. Une colline où le crépuscule était plus beaux qu'ailleurs. Il ne se lassait pas d'y aller, encore et encore. Tout là-bas semblait plus beau.

Après avoir grimpé les escaliers pour finalement arriver, Ryan, essouflé, vit un grand pommier. Il ne semblait pas là avant. Les pommes sur ses branches semblaient elles aussi plus belles qu'ailleurs. Et rien n'aurait put l'empêcher d'en croquer une. Du moins, c'est ce qu'il croyait avant d'entendre l'étrange jeune fille l’interpeller.

Le soleil s'était couché, et c'était l'air frais de la nuit qui surpassait les lumières. Les deux adolescents restaient immobiles, chacun à s'observer. Les cheveux courts de la jeune fille volait au vent. A moins que ce soit ses tremblements qui les guidaient.
Enfin, Alexia se trouvait en face de cet homme. Lui qui avait tant fait pour elle sans rien en savoir. Celui qui, sans connaître son existence, avait sauvé sa vie. De la plus belle des manières.
Elle devait bien être la pire des imbéciles pour attacher tant d'importance à ça. Mais c'était le trésor de sa vie, ce garçon à qui elle n'avait jamais parlée.

Le jour de l'assassinat de ses parents, la jeune fille avait perdue foi en l’humanité. Perdue foi dans ses parents qui l'avaient abandonné à son sort, perdu foi dans les autorités qui n'avançait à rien, et perdu foi dans les hommes qui étaient capables d'un tel crime pour quelque chose d'aussi futile que de l'argent. Rien ne la retenait plus sur cette terre. Elle n'avait plus rien, et même pas une once d'espoir pour la consoler. Alors, elle sortit en douce de la demeure de sa famille d’accueil, et partit. Où ? Elle n'en savait rien. Là où ses pas la porterait. Tout ce qu'elle savait, c'était qu'elle de ne reviendrait pas. Elle voulait juste quitter ces terres hostiles à ses yeux. Là où elle n'avait plus sa place. Où le rêve et l'innocence n'ont jamais leur espace.
Elle marchât ainsi plusieurs heures, se perdant dans les rues. La nuit enfin tombée, elle trouva un groupe de jeunes agresser une autre jeune fille. Juste ce qui lui faisait penser que ce monde n'avait plus de raison de la retenir.

Mais ce qui se passa après relevait du miracle à ses yeux. Un jeune garçon, bien plus petit et chétif que les lourdaud agressant la jeune fille, vint pourtant à son secours. Il ne devait pas être bien sûr de lui, évidemment, vu la différence évidente de force et de nombre, mais il vint au secours de la jeune fille que rien n'aurait put sauver. Il s'est fait rouer de coups, tabasser jusqu'au sang, mais il ne s'enfuit pas. Il resta digne. Même plein de sang, même allongé par terre, il gardait toute sa dignité, et cet aura qui le rendait comme invincible.
A ce moment là, Alexia revit jaillir dans son cœur de l'espoir. Une nouvelle fois, elle avait confiance en les hommes. Ils n'étaient pas tous pareils, et il existait des gens comme ce garçon, prêt à risquer leur vie pour les autres.

La jeune fille suivit le garçon, de loin, dans tous ses mouvements. De toute façon, elle n'avait plus grand chose à faire. Plus d'amis, plus de famille, mais ce garçon. Juste lui qui emplissait tout son monde.
Elle réalisa des centaines de charmes pour espérer un jour s'en rapprocher. Se rapprocher de ce garçon nommé Ryan. En haut d'une colline baignée par le soleil, surplombant toute la ville, elle planta un pommier. Elle avait lue que si un jour, l'homme qu'elle aimait venait manger une pomme sur l'arbre qu'elle avait plantée, ils vivraient heureux ensemble, pour toujours.
Elle venait souvent sur cette colline, suivant la recette d'un autre charme. Celui qui disait qu'en faisant un vœu au coucher du soleil, chaque jour de juillet, il se réalisera.

Une autre légende disait qu'en tuant une centaine d'hommes, n'importe quel souhait se réaliserait. Alexia tenta tout pour réaliser son souhait. Devenir comme ceux qu'elle déteste lui allait bien, si c'était pour lui. Malgré tout, elle fit en sorte de ne tuer que ceux qui le méritaient.

Le jour qu'elle attendait était enfin venu. Quand elle vit le garçon qu'elle aimait monter sur la colline, et croquer l'une de ses pommes, elle vint lui parler, le cœur en fête. Son vœu allait se réaliser ! Enfin, elle pourrait goûter au bonheur !

Mais Ryan se libéra de sa paralysie, et partit en courant. Alexia s'effondra lentement au sol en réalisant ce qu'il se passait.

Jamais elle n'aurait droit au bonheur.  

[Texte réalisée à partir des mots "Pomme", l'image ci-dessus et cette musique. Merci à @MatP4ever, @_SoraNoHoshi et @YumeToshiro pour leur participation! N'hésitez pas à commenter, à partager, à voter ce texte. Et n'oubliez pas de me suivre sur twitter pour me proposer des mots, des images ou des musiques pour le prochain texte! (@JudyKagamine) Sur ce, bonne lecture!]

Comments

[La méduse]

on ne peut jamais être préparé à la fin avec toi, c'est terrible!



Désillusion de ceux qui tombent... et continuent de tomber... c'est injuste, les personnes auxquelles rien ne sourit jamais, même quand elles y croient un instant.

[Nixop]

Encore une fois, tu te surpasse. Entre fantaisie et réalisme, cette nouvelle donne des frissons. La chute est toujours aussi bien monté. Bravo.