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Rêve de May
29 juillet 2013

Life is a Joke

One

« Le soleil brillait, pour la première fois depuis longtemps et les oiseaux chantaient. Le vent frais soufflait sur les feuilles et... »

- Merde !

Ma feuille venait de se faire avaler par la machine à écrire. Quand je réussis enfin à l'en sortir, elle était inutilisable.

- T'es content ? T'as vu ce que t'as fait à mon histoire ?!

Je m'attendais presque à ce que la machine s'excuse. Elle ne fit qu'un grognement de contentement. Ces machines à écrire semi-électrique qui coûtaient un bras n'étaient décidément pas digne de confiance. Autour de moi, des feuilles, il y en avait plein, mais je n'avais plus le courage de recommencer. De plus, les rares lampes de mon sombre bureau se mirent à clignoter, pour finalement s'éteindre brusquement.

Et merde, la facture électricité...

Ça faisait quelques mois que je ne l'avais pas payé, et mon éditeur refusait de me donner un sou tant que je n'avais pas fini d'écrire le dernier tome de ma saga. Et vu comme ça avançait, je risquais d'être sur la paille pour un moment. Surtout si mes machines n'y mettaient pas un peu du leur. Il faisait aussi beau dehors que dans les quelques lignes que j'avais écrites, bien que les vitres sales essaient de me faire penser le contraire. De toute façon, je ne pouvais plus rien faire dans mon atelier, alors pourquoi rester enfermée ?

En passant devant mon armoire pour m'habiller, mon regard se perdit dans les affaires de mon petit ami, entassés sur une chaise, dans un coin. Enfin, petit ami, c'était beau dire. Le goujat était parti chercher du pain depuis deux semaines. Je comprends qu'on était dimanche et que les boulangeries ne sont pas très proches, mais quand même...

Au moins, il m'avait laissé ses affaires, et c'était déjà ça de pris. Dans la pénombre, j'ai été attirée par une veste qu'il portait pour les grandes occasions. Un costume noir de type queue-de-pie. Je me souviens qu'il avait la classe dedans. C'était ce que j'aimais chez lui. Ce genre de costume devait valoir assez cher. Je pouvais sûrement le revendre à bon prix à un revendeur d'occasions. Mais ce serait quand même dommage de ne pas en profiter un peu avant.

Après essayage, je découvrais dans la glace que ce costume m'allait à merveille. Peut-être que l'obscurité m'aidait un peu, mais je voyais que malgré ma poitrine et ma petite carrure, il semblait taillé pour moi. En fouillant un peu plus dans les affaires de mon ancien compagnon invisible, je trouvais un pantalon, une chemise, une cane assortie et même un chapeau haut de forme, dans lequel je trouvais quelques accessoires comme une fausse moustache, un monocle et un nœud papillon. Plus que pour les grandes occasions, il devait le porter pour les soirées déguisées. L'ensemble m'allait toujours aussi bien. Je ressemblais en tout point à un gentleman du siècle dernier. Plus qu'une montre à gousset, et se serait parfait.

En plongeant ma main dans la poche avant de la veste, je trouvais une montre à gousset doré. Autant de coïncidence ne pouvait être qu'un coup du destin. Et ce serait criminel d'être la seule à en profiter. C'était fou, idiot, déraisonnable, complètement ridicule, mais cette idée me plaisait de plus en plus. Je décidais de sortir dans la rue habillée ainsi.



Il y a encore quelques mois, je serais partie en courant en voyant tous les regards posés sur moi. Mais bon, de toute façon, à ce rythme-là, je serais morte de faim dans un mois. Alors le regard des autres m'importait peu. Je m'étais placée, debout au milieu de la place de la mairie, habillée de toute ma panoplie, sans savoir quoi faire. Je ne savais pas trop où aller, accoutrée ainsi, alors je suis restée ici. Des gens commençaient à se rassembler autour de moi pour prendre quelques photos, comme si j'étais une attraction urbaine. J'ignorais dans quelle pose me mettre, alors je restais appuyée sur ma cane. J'avais laissé mes cheveux longs en dehors du chapeau, ne cherchant pas à me travestir en homme. J'étais plutôt fière de moi maintenant. J'ai passé quelques heures ainsi, à observer et amuser les passants. Ce petit jeu me plaisait bien. Je me sentais belle, au milieu de tous ces gens qui m'observaient. Je devais avoir la classe, ainsi habillée. Je ne pouvais que me voir dans le reflet de la montre dorée, mais la moustache sur mon visage était vraiment d'un effet ridicule. Je crois que c'était le but. Plus le temps passait, plus je me lâchais, osant quelques poses sur les photos, en brandissant ma canne, ou en levant mon chapeau à la manière des vrais gentlemens britanniques qu'on voit dans les films. Dans la vie, il faut s'amuser, rire. Faire des trucs insensés, parce que la vie est précieuse. Tout simplement.

À 17H12 précises, comme me l'indiquait ma montre à gousset, un groupe de lycéennes passèrent sur la place. Je ne les remarquais pas tout de suite, jusqu'au moment où l'une d'elles s'approcha de moi. Une jeune fille d'une quinzaine d'années, en uniforme scolaire, le blazer enroulé à ses hanches. Sa jupe plissée bleu azur était retroussée à sa taille, pour la raccourcir, et était réduite à mi-cuisses. L'inconnue me regardait, déterminée, un sourire mesquin aux lèvres. Ses yeux bleu clair semblables à la couleur du ciel me captivaient. J'étais prisonnière de son iris, si bleu, et de sa pupille, si noire.

Elle marchait vite, et a bousculé les passants autour de moi. Elle franchissait d'un pas le cercle qu'avaient formé les badauds. Plus elle approchait, plus mon cœur s'emballait. D'un geste étonnamment doux, elle posa ses mains contre mon torse, et approcha son visage si près du mien que j'ai cru qu'elle allait m'embrasser, pour finalement murmurer dans un souffle divin :

- Toi, tu me plais.

Une gamine surprenante. Je devais avoir cinq ans de plus qu'elle, mais ses jambes frôlant les miennes me mettaient dans un drôle d'état.

- Tu sais que je suis une fille ?

Évidemment qu'elle le savait.

- Oui, et alors ? C'est ça qui me plaît.

Je ne savais plus où poser mes mains que je déposai finalement sur les hanches de l'inconnue, qui s'approchait de plus en plus. Autour de nous, les passants nous regardaient, silencieux, abasourdis par le spectacle qui se déroulait sous leurs yeux. Finalement, elle éloigna brusquement son visage pour s'incliner dans une révérence, avant de saisir ma main pour la baiser d'un air solennel. La scène était assez comique à voir, l'écolière baisant la main du gentleman.

- À une prochaine fois.

Elle tourna les talons pour rejoindre ses amis, qui gloussaient un peu plus loin. Avant de disparaître dans la foule, elle se retourna une dernière fois vers moi, et je put lire sur ses lèvres :

- Ou pas.

Je sentais mon cœur s'affoler, et mes mains trembler. Mes cheveux étaient plaqués sur mon front par la sueur. Rapidement, je remballais mes affaires et rentrais chez moi précipitamment, abandonnant les piétons sur le pavé.

Le soir même, en rangeant ma panoplie dans le placard, je trouvais un petit papier dans la poche de ma veste, là où se trouvait la montre quelques heures plus tôt. Un bout de papier où était inscrit un numéro de téléphone, et signé : "Moi"

Après tout, pourquoi pas ?

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Commentaires
L
ça me fait penser un un live: Caresser le velours, de Sarah Waters. Il y a des histoires de femmes travesties dedans.<br /> <br /> <br /> <br /> La vie est une blague! J'aime! quelle simplicité et quelle liberté!<br /> <br /> Je m'étais attendue à quelque chose de très pessimiste à la vue du titre, mais c'est tout l'inverse!
T
c'est très amusant cette description et ce déguisement, as tu vu ce fim : the artist, ta description du personnage ressemble à celle qui y tient le premier rôle.A voir ou revoir,;;
S
LIFE IS A JOKEEEEEEEEEEEEUH AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAH
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