Céleste

9 juillet 2013

[Note: Les noms en majuscules du deuxième paragraphe (Hercule, Andromède...) sont des noms de constellations.]

-Dis, tu veux devenir quoi plus tard ?

-Danseuse des étoiles

-Danseuse Étoile tu veux dire ?

-Non, une danseuse du ciel.

Les cheveux au vent frais, Céleste contemplait une nouvelle fois les étoiles, en ce soir de décembre. La neige tombait en flocon sur sa robe blanche, et brillait à la lumière de la lune dans une infinie beauté. Lentement, elle revêtait les collines d'un grand manteau blanc. La petite fille d'une dizaine d'années à peine grelottait, les pieds nus dans la neige, elle ne les sentait même plus. Dans la nuit si noire, la neige si blanche faisait un fabuleux contraste. Presque éblouissant.

Voilà un an. Un an, jour pour jour, que Céleste venait contempler les étoiles, si belles, en haut de cette colline. Un lieu isolé où elle pouvait pleurer, rire ou chanter sans que personne ne l'entende autour d'elle. C'était un devoir, sûrement trop lourd pour ses petites épaules. Mais elle aimait par-dessus tout passer une heure ou deux, assise ici, seule, et en face à face avec les étoiles, qui étaient devenus ses amis.

-Pourquoi une danseuse du ciel ? Je ne comprends pas...

-C'est pourtant simple. Je veux danser avec les étoiles.

Elle admirait Hercule, voulait ressembler à la princesse Andromède, rêvait de voler au côté du cheval ailé Pégase, et se repérait grâce à la Petite Ourse. Céleste se plaisait à imaginer tous ses amis et leurs formidables aventures, leurs magiques épopées. La petite princesse rêveuse ne vivait plus que pour ça. Ses aventures, d'une timide voix cristalline, elle les chantait. Son petit cœur pur ne battait plus que pour le héros Persée, et elle aspirait naïvement à voguer sur le navire Argo sur l'Eridan, au côté de la Baleine et du Dauphin. Elle pouvait songer à l'Oiseau de Paradis, volant au côté de la Colombe, du Phénix et du poisson volant. La pacifique gamine rêvassait innocemment sous le manteau neigeux de la colline qui commençait à la recouvrir elle aussi.

Le rêve ravissant de l'angélique petite demoiselle était de valser au milieu de tous ses amis qui lui semblaient si lointains, là-haut dans le ciel sombre. Chanter et danser au milieu des constellations, dans la lumière des astres. Elle convoitait avec candeur de pouvoir enfin caresser ces doux rêves.

Peu à peu, la neige s’amoncela à ses pieds, toujours plus épaisse, et plus froide. Le corps tout entier de la petite Céleste était abandonné au ciel, si bien qu'elle ne ressentait plus rien. La délicate petite étoile ne chantait plus que dans un frêle murmure, sa douce chanson. Ses bras nus sous les flocons palissaient, puis bleuirent sous le froid de la nuit de décembre. Aveuglée par la blancheur divine des flocons illuminés, elle en oubliait son petit corps. La princesse céleste tombait lentement, abandonnée de ses sens, dans le tapis lumineux. Elle avait froid, si froid... Continuant de contempler la voie lactée, elle chantait toujours, silencieusement, inaudible. Elle se perdait dans la lumière de la magnificence du ciel. La lune en croissant semblait lui adresser un dernier sourire. Le petit chien venait comme lui lécher le visage. La lumière se fit plus intense, enivrante, tellement éblouissante.

Céleste avait mal, et sentait son esprit s'envoler dans le ciel, au côté de tous ses amis. Elle avait enfin réussi. Elle vit les étoiles danser dans le ciel, comme pour fêter son arrivé. Bientôt, la triste chanteuse des neiges pourrait danser avec eux. Dans un dernier soupir, l'enfant rêveur finit sa triste mélodie :

-J'arrive, Maman.

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